Actualité juridique pénale
La souffrance au travail des magistrats, une réalité encore sous-évaluée
La mort d’une magistrate en pleine audience au tribunal de Nanterre, mi-octobre, a de nouveau imposé dans le débat public la question de l’épuisement de ces professionnels, longtemps ignorée malgré des alertes de plus en plus nombreuses. Un préavis de grève a été déposé pour mardi.
Lorsqu’il prononce son discours d’installation à la tête du tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), le 17 octobre, Benjamin Deparis est loin d’imaginer à quel point ses propos vont résonner. Le président du tribunal n’a alors qu’une « seule et haute ambition » pour ses magistrats : « Que vous alliez simplement mieux. » Le lendemain, la juge Marie Truchet, 44 ans, s’effondre en pleine audience de comparution immédiate devant la 16e chambre de ce bâtiment des années 1970. Malgré les efforts de réanimation, elle ne se relèvera pas. « Jamais je n’aurais imaginé être confronté » à une telle situation, confie à franceinfo le nouveau chef de la juridiction, « troublé ».
Un an après la tribune, dans Le Monde des 3 000 magistrats, qui alertaient sur leurs conditions de travail après le suicide d’une juge de 29 ans à Béthune (Pas-de-Calais), cette mort brutale en plein exercice fait ressurgir le débat sur l’épuisement professionnel des robes rouges et de l’ensemble des professionnels d’une justice à bout de souffle. L’Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM) appellent à la mobilisation et à la grève, mardi 22 novembre.
Trois juges en burn out à Nanterre
A ce stade, le lien direct entre la charge de travail de Marie Truchet et sa mort brutale n’est pas établi. L’autopsie réalisée dans le cadre de l’enquête en recherche des causes de la mort a révélé une « défaillance cardio-vasculaire résultant d’un état pathologique », rapporte le parquet de Nanterre. Mais le CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) du tribunal investigue parallèlement sur les conditions de travail de la juge, connue pour son investissement sans faille dans sa fonction, « au point de s’oublier », et de négliger sa santé, selon ses collègues. Elle était de celles et ceux qui partent en week-end et en vacances avec leurs dossiers sous le bras pour préparer les audiences ou rédiger des jugements. « C’était vraiment l’une des plus consciencieuses », souligne la vice-présidente du tribunal, Dominique Marcilhacy. « Elle nous manquera terriblement », souffle Fabien Desix, greffier qui la côtoyait depuis cinq ans.
« On ne cherche pas à instrumentaliser la mort de notre collègue mais elle survient dans un contexte objectif de surcharge de travail et illustre notre désarroi », abonde Viviane Brethenoux, juge au tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Avant le décès de Marie Truchet, le pôle correctionnel de Nanterre tournait avec deux juges en moins – une mutation non remplacée et un arrêt pour surmenage. Au total, « j’ai neuf postes de magistrats non opérationnels pour arrêt maladie, dont trois en burn out », liste Benjamin Deparis.
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Date: 22 novembre 2022
Titre: francetvinfo.fr
Auteur: Catherine Fournier
Photo: Astrid Amadieu Franceinfo
Catégorie: Actualités juridique pénale