Actualité juridique pénale
Carlos Ghosn détourne l’attention de sa fuite en prenant le grand public à témoin
«La justice japonaise est très certainement l’une des plus remarquables au monde», souligne Béatrice Jaluzot, directrice de l’Institut d’Asie Orientale de l’ENS de Lyon, en réagissant au show médiatique de Carlos Ghosn.
« A la suite de sa fuite au Liban, Carlos Ghosn a fait appel aux médias. Il a déclaré avoir été victime « d’un système qui viole les principes les plus fondamentaux de l’humanité »; « J’ai fui l’injustice et la persécution »; « Si je voulais vraiment que justice soit rendue, je devais la rechercher dans un autre pays, car au Japon ceci m’était interdit ». Il vise directement « les procureurs […qui] n’aiment pas perdre », les accuse de collusion avec Nissan et certains responsables politiques.
Carlos Ghosn prend à partie directement et à titre personnel les professionnels en charge de l’instruction, il se met sur un pied d’égalité avec eux et laisse entendre qu’ils jouent à une sorte de jeu où il y aurait des gagnants et des perdants et il met en doute leur intégrité professionnelle.
Depuis novembre 2018, il est l’objet d’une enquête menée par le parquet du tribunal de Tokyo pour diverses infractions relevant du droit pénal des affaires japonais. Après une arrestation spectaculaire à l’aéroport le 19 novembre 2018, Carlos Ghosn est l’objet de quatre chefs d’accusation, chacun ayant donné lieu à une arrestation, puis à des remises en liberté sous caution pour près de 9 millions de dollars, mais sous surveillance. Conformément à la procédure pénale du pays, les audiences préliminaires au procès ont eu lieu en juin, le procès est attendu pour le printemps 2020. Le 31 décembre dernier, il confirme publiquement être arrivé au Liban ; le 8 janvier, il en appelle à l’opinion publique. La stratégie du panache de M. Ghosn consiste à la fois à fuir le pays où la justice l’accuse et à mener une campagne médiatique. En prenant le grand public à témoin, il détourne l’attention de sa fuite à l’étranger face à la justice d’un pays.
Il va même jusqu’à se réclamer de la justice d’un autre pays, ce qui, pour des faits commis sur le sol japonais, va à l’encontre de toute logique juridique élémentaire.
Date: 12 janvier 2020
Titre: Le Parisien
Auteur: Béatrice Jaluzot
Photo: LP/Illustration Elène Udsin
Catégorie: Actualité juridique pénale