Actualité juridique pénale
Faim, manque d’hygiène et chantage, le calvaire des pauvres en prison
Dans les prisons françaises, un détenu sur quatre est sans ressources. Derrière les murs, ils ont faim et souffrent de problèmes d’hygiène. Certains subissent même chantage et violence. D’autres vont jusqu’à se prostituer. Témoignages.
« Il a perdu plus de 10 kilos en un an de prison. » Lucie raconte à quel point le visage de son copain s’est amaigri, parloir après parloir : « Il y a des jours où il ne mange pas du tout. » Étudiante à Lyon, elle ne perçoit que 150 euros de bourse par mois. Lui n’a pas de famille pour le soutenir. Alors, quand elle le peut, la jeune femme lui verse une cinquantaine d’euros sur son compte interne en prison. Pas assez pour vivre dignement derrière les murs.
En France, selon l’Observatoire international des prisons (OIP), plus d’un détenu sur quatre est considéré comme étant en « pauvreté carcérale ». C’est-à-dire qu’ils disposent de moins de 50 euros par mois pour vivre. En interne, ils sont appelés les indigents. « Ils ne reçoivent rien. Ils n’ont rien », raconte le rappeur Mehdi YZ, dans une de nos interviews GAV. Il a passé huit mois à la prison des Baumettes, à Marseille (13). Il raconte sa colocation avec les cafards, les rats et les pigeons. Mais aussi la nécessité d’avoir des revenus :
« Faut faire son argent en prison. Si tu n’en as pas, tu ne manges pas, tu ne bois pas. Et surtout, les gens ne te respectent pas. »
« La prison, ce n’est pas le Club Med »
Corentin a 25 ans. Il a passé un an et demi dans une cellule de 9m2, qu’il partageait avec deux autres détenus, à la maison d’arrêt de Saint-Malo (35). Il a souvent tourné en rond, la faim au ventre :
« Il y en a qui ont de quoi s’acheter la Xbox 360 et qui ont les placards remplis de bouffe. Moi, j’étais indigent. Je mangeais la gamelle et j’avais faim. »
« La gamelle, c’est du pâté pour chien. Tu peux tomber malade en la mangeant ! », assure Mehdi YZ. S’ils le peuvent, les détenus évitent de manger les plateaux-repas fournis par l’administration pénitentiaire. Comme StreetPress le révélait dans une précédente enquête à la Santé, ils ne permettent pas toujours de manger à leur faim. Alors pour ne pas s’endormir le ventre vide, il faut « cantiner », c’est-à-dire acheter des denrées via le magasin interne à la prison. La monnaie n’existe pas en prison. Tout achat est prélevé sur un compte nominatif interne. Et, à l’intérieur, « tout est plus cher » racontent les détenus. Ils prennent l’exemple du forfait téléphonique : 70 euros par mois pour 20 minutes par jour. Et jusqu’à 160 euros si les appels sont passés vers des portables. Télé, frigo, plaque électrique, lessive, tout est payant. Le coût de la vie en prison est estimé à 200 euros par mois, selon un rapport sénatorial, publié il y a une quinzaine d’années. « La prison, ce n’est pas le Club Med », comme le répètent plusieurs détenus interrogés par StreetPress.
Date: 4 Novembre 2020
Titre: StreetPress
Auteur:
Photo: StreetPress
Catégorie: Actualité juridique pénale