Actualité juridique pénale
Garde à vue : ne dites rien, votre téléphone parlera pour vous
Inscrit dans la loi depuis bientôt deux décennies mais redécouvert il y a seulement une poignée d’années, l’article 434-15-2 du code pénal peut aujourd’hui sanctionner le refus de remettre son code de déverrouillage de téléphone portable, notamment dans le cadre d’une garde à vue. En dépit d’une jurisprudence qui œuvre progressivement à en encadrer le régime, ce dernier est loin d’être exempt de critiques.
Cette disposition punit « de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 € d’amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale ». Elle hisse la peine à cinq ans d’emprisonnement et 450 000 € d’amende si « le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ».
La notion de « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » peut sembler abstraite à nombre d’entre nous. Elle trouve un début d’explication dans le code de la sécurité intérieure, qui nous apprend que les « conventions permettant le déchiffrement des données transformées au moyen de prestations [de cryptologie] »1 s’entendent des « clés cryptographiques ainsi que de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair de ces données »2. Codifiées au livre VIII consacré au renseignement, ces prévisions sont logées sous le titre VII, qui encadre les obligations des opérateurs et prestataires de services.
Spontanément, à la lecture de ces textes, le téléphone mobile n’est pas la première chose qui vient à l’esprit. C’est pourtant précisément cet objet, réplique miniature des aspects les plus intimes de nos vies, qui a fait émerger la question de l’application de l’article 434-15-2 du code pénal, cette disposition fondant, semble-t-il, une obligation, notamment durant la garde à vue, de communiquer aux enquêteurs le code de déverrouillage de son téléphone.
Progressivement, un régime se dessine quant aux conditions dans lesquelles il peut être recouru à l’article 434-15-2 du code pénal ; ce cadre a d’ailleurs été récemment précisé3. Il n’en reste pas moins que l’utilisation de cette disposition pour obtenir le code permettant de déverrouiller le téléphone portable d’un gardé à vue est critiquable à plus d’un titre.
Date: 7 avril 2021
Titre: Dalloz Actualité
Auteur: Orphée Haddad
Photo: Pixabay
Catégorie: Actualité juridique pénale