Actualité juridique pénale
La fable des moyens accrus de la Justice
La France dépense deux fois moins par habitant que l’Allemagne pour sa justice. 58% des tribunaux sont en surchauffe, magistrats et greffiers débordés. La loi « Justice » prévoit 24% de crédits en plus sur 5 ans, mais cela ne suffira pas à sauver cette mission régalienne d’un naufrage annoncé.
Justice sociale, fiscale, climatique… Des jeunes qui manifestent pour le climat, aux grands débats en passant par les gilets jaunes, la demande de justice est sur toutes les lèvres.
Garantir à chaque citoyen et citoyenne un égal accès au droit et le faire respecter, c’est la mission de la justice, mais a-t-elle les moyens des ambitions qu’on place en elle ?
Grâce aux documents publiés par le gouvernement pour le Grand Débat, on sait que sur 1000 euros de dépenses publiques seulement 4 euros sont consacrés à la justice en France.
Avec 13 magistrats pour 100 000 habitants (ils sont le double en Allemagne), la France se situe dans la moyenne basse des pays de l’Union Européenne. En revanche, seuls la France, le Luxembourg et désormais l’Espagne prévoient l’accès au tribunal sans frais.
Justice débordée, indigente, au bord du burn out… l’état de délabrement de la justice ne fait plus débat, et d’ailleurs chaque année, l’État augmente les crédits de la justice.
La loi de programmation de la justice qui vient d’être votée promet une augmentation de 24% sur 5 ans. 24% c’est beaucoup… mais est ce assez pour rattraper le retard pris dans les tribunaux ?
Les syndicats de magistrats, greffiers et fonctionnaires disent que NON. Les avocats sont également plus que sceptiques sur les résultats de cette loi; certains l’ont dit via des clips très parlants sur l’évolution de la justice avec cette loi.
L’essentiel de la hausse… pour les prisons
Pour comprendre le scepticisme des élus et des acteurs de la justice, il faut savoir que les crédits de la mission Justice abondent cinq programmes.
- Administration pénitentiaire
- Protection judiciaire de la jeunesse
- Conduite et pilotage de la politique
- Conseil supérieur de la magistrature
- Justice judiciaire (celle dont il est question dans la suite de la bulle).
Premier problème. Les prisons absorbent chaque année l’essentiel des hausses de budget de la justice et des emplois. En 2019, l’immobilier pénitentiaire va bénéficier d’une hausse de 30 % de ses crédits, l’objectif étant de créer 7 000 nouvelles places de prison d’ici 2022. Côté création de postes, sur les 1 300 emplois nouveaux annoncés au total en 2019, 959 seront dédiés à la pénitentiaire.
Deuxième problème, les bâtiments, tribunaux etc… où s’exerce la justice pèsent de plus en plus lourd dans le budget général.
Faute de moyens les constructions nouvelles ont été financées ces dernières années par des partenariats public privé, partenariats qui se révèlent ça et la être des gouffres financiers. La cour des comptes l’a dénoncé, et la ministre actuelle de la justice reconnue en disant qu’elle ne lancerait pas de nouveaux partenariat publics privés. Avec ces partenariats, le ministère de la Justice ne maîtrise plus une partie de ses coûts fonciers qui absorbent une bonne partie de la hausse du budget global. Pour l’immobilier, l’augmentation des crédits sur 5 ans est de 85%, alors que la hausse globale, pour rappel, est de 24%.
Date: 18 Août 2020
Titre: France Culture
Auteur: Marie Viennot
Photo: Commission Européenne pour l’Efficacité de la Justice
Catégorie: Actualité juridique pénale