Actualité juridique pénale
Le Conseil constitutionnel censure partiellement la réforme de la justice
Des mesures de renforcement du parquet, au détriment du juge d’instruction, sont jugées attentatoires aux libertés individuelles.
C’est la plus longue décision jamais rendue par le Conseil constitutionnel. Mais les quatre recours déposés par des députés et des sénateurs de l’opposition, de droite et de gauche, contre la loi de programmation et de réforme pour la justice ont amené l’institution présidée par Laurent Fabius à valider, jeudi 21 mars, l’essentiel du texte.
Sur les 109 articles de cette réforme tous azimuts portée à bout de bras par Nicole Belloubet, garde des sceaux, 57 étaient contestés, seuls une dizaine sont censurés partiellement. Mais il s’agit d’articles importants.
Les principales censures infligées concernent des dispositions du code de procédure pénale renforçant des pouvoirs du parquet. Les gardiens de la Constitution semblent vouloir mettre le holà à une double tendance engagée depuis plusieurs décennies par les gouvernements successifs : la marginalisation progressive du juge d’instruction au profit des enquêtes préliminaires aux mains des procureurs, et l’extension des prérogatives de ces derniers sous prétextes des garanties apportées par le juge des libertés et de la détention (JLD).
Ainsi, les dispositions de l’article 46 du projet de loi, qui permettaient d’étendre à l’ensemble des crimes les techniques spéciales (la sonorisation d’un lieu, la captation d’images ou de données informatiques) dans le cadre d’une enquête en flagrance ou d’une enquête préliminaire, sont censurées. Jusqu’ici, ces techniques étaient réservées à la délinquance et à la criminalité en bande organisée.
Faiblesse des garanties apportées
Dans leur décision, notamment cosignée par Valéry Giscard d’Estaing, qui siège en tant qu’ancien président de la République, et Alain Juppé, tout récemment nommé, les membres du collège constitutionnel estiment que tous les crimes ne justifient pas de recourir à des techniques aussi intrusives. Mais surtout, ils censurent en raison de la faiblesse des garanties apportées par le contrôle du JLD. C’est à ce juge du siège, statutairement indépendant, qu’il revient d’autoriser ces actes d’enquête demandés par le procureur, hiérarchiquement rattaché au ministre de la justice.
Date: 21 mars 2019
Titre: lemonde.fr
Auteur: Jean-Baptiste Jacquin
Photo: © Eric Feferberg / AFP
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