Actualité juridique pénale
Le détenu remis en liberté pour absence de titre de détention
Les demandes de mise en liberté d’un détenu n’aboutissent pas souvent. Pourtant, celle formulée par Me Sébastien Bonnet pour son client a été validée par le tribunal d’Épinal. Parce que sa détention a été prorogée sans débat. Une première en France.
La présidente du tribunal d’Épinal, Anne-Sophie Rivière, a évoqué un « débat très juridique ». C’est le moins que l’on puisse dire tant les parties, parquet et défense, ont puisé dans les articles du code de procédure pénale pour démêler un dossier particulièrement complexe. Pas dans la forme, mais sur le fond. Un dossier de violences conjugales (de décembre 2016 à juillet 2018) sans incapacité. Qui a valu à son auteur (48 ans), présumé innocent, d’être placé en détention le 9 janvier 2019. Le 5 juillet de la même année, sa sortie de prison s’accompagne du port d’un bracelet électronique. Il a l’interdiction d’entrer en contact avec la victime. Puis, le 7 novembre 2019, la cour d’appel de Nancy ordonne son retour en détention provisoire, son passage devant le tribunal étant programmé le 31 mars dernier.
Face aux événements liés au coronavirus et les dispositions dérogatoires prises par le ministère de la Justice en matière pénale via une ordonnance et une circulaire d’application, il n’a pas été jugé. Or, sa détention a été prorogée sans débat.
« Je me bats pour le droit »
D’où l’intervention de Me Sébastien Bonnet, conseil du quadragénaire dont la demande de mise en liberté était examinée ce mardi par le tribunal. « Je ne comprends pas. Mon client n’a pas pu s’exprimer et je n’ai pas pu l’assister ». Le début d’une plaidoirie dans laquelle l’avocat a mis tout son cœur et ses tripes. « Je me bats pour le droit. Je dois rester digne de la robe que je porte, donc je ne peux pas cautionner cette détention ». Une position pas soutenue par le procureur de la république Nicolas Heitz. Lequel revint fort justement sur le cauchemar ambiant. « On a tous hâte que ça cesse et que l’on revienne à une justice meilleure ». Avant de poursuivre : « Je considère que l’on applique collectivement l’ordonnance. Cette ordonnance de détention est de plein droit et elle est légale. Nous voulons ainsi éviter le renouvellement des faits et le risque de pression sur la victime ».
Après en avoir délibéré, le tribunal en a décidé autrement. « Le tribunal constate l’absence de titre de détention et ordonne qu’il soit mis fin à la détention ».
Après l’énoncé, le prévenu a fondu en larmes et, par visio interposée, a lancé un grand merci à son défenseur.
Date: 9 avril 2020
Titre: Vosges Matin
Auteur: Claude Girardet
Photo: Jean-Charles OLÉ / Vosges Matin
Catégorie: Actualité juridique pénale