Actualité juridique pénale
Les robots débarquent au tribunal
Après le trading, la médecine et l’armée, voilà que l’intelligence artificielle se glisse dans les tribunaux. L’Estonie s’apprête à déléguer certaines affaires judiciaires à des robots. En France, le débat agite les robes noires.
La promesse est alléchante : « Mettez la justice prédictive de votre côté. » Affichant les recommandations d’avocats renommés, la société Predictice propose aux particuliers et aux entreprises d’évaluer leurs chances de gagner en justice et d’optimiser leur stratégie en fonction des juridictions. Après envoi d’une demande d’information via un formulaire en ligne, il ne faut pas plus de cinq minutes pour que notre téléphone sonne. Au bout du fil, Louis Larret-Chahine, cofondateur de la société, nous invite à visiter les bureaux. Rendez-vous est pris au coeur du VIIIe arrondissement de Paris, côté quartier d’affaires.
Une fois passée l’entrée de l’immeuble haussmannien, on bascule dans un autre monde. Le Village est un accélérateur de start-up où se déclinent les codes culturels de la Silicon Valley : murs végétaux, espaces de coworking et baby-foot. Une atmosphère qui tranche avec l’ambiance assez morne des institutions judiciaires.
Un fringant jeune homme sort de l’ascenseur pour nous présenter son bébé : un algorithme capable de passer au crible quelque 2 millions de décisions de justice en une seconde, avec mots-clés, filtres et possibilité de cartographier les décisions selon les juridictions. L’abonnement aux services de Predictice coûte 189 euros par mois. Une dépense dérisoire pour les services juridiques d’Orange, BNP Paribas ou Allianz, tous clients de la start-up. Environ 2 000 cabinets d’avocats y auraient également recours.
De fausses promesses
Bienvenue dans la justice du futur , avec son deep learning et ses big data, où il n’est plus besoin de potasser des volumes de jurisprudence pendant de longues soirées pour préparer son affaire. Même Légifrance, le site gouvernemental où sont diffusées les décisions de justice, paraît ringard au côté des nouveaux venus de la « legaltech ». « La dernière innovation dans la culture juridique, c’était le fax ! » ironise Louis Larret-Chahine du haut de ses 28 ans. Sous-entendu : il était temps que les robes noires fassent le deuil du Minitel. L’homme se dit d’ailleurs plus entrepreneur que juriste, malgré ses études en droit des affaires, sanctionnées par les diplômes de rigueur.
Date: 19 juin 2019
Titre: Les Echos
Auteur: Laura-Mai Gaveriaux
Photo: Les Echos
Catégorie: Actualités juridique pénale