Les billets d’humeur de Maître Philippe-Henry Honegger
Le 3 juin dernier a débuté le procès « Mila ».
Il s’agit de l’affaire de cette adolescente qui ayant critiqué (pour ne pas dire insulté) très vivement l’Islam dans un vidéo postée sur les réseaux sociaux, a subi en retour une vague de haine en ligne avec près de cent
mille messages injurieux, de menaces extrêmement violentes, allant jusqu’aux menaces de mort.
Le question de savoir si elle avait le droit de tenir de tels propos est relativement évidente en droit.
Elle en avait parfaitement le droit.
En effet, nous avons le droit, en France, de critiquer les religions, d’insulter les dieux et même de « blasphémer » les croyances.
C’est la liberté d’expression, quand bien même les propos peuvent heurter certains.
C’est d’ailleurs, en partie, grâce à ce droit de critiquer les religions que la France a pu constituer ses principes de laïcité.
En effet, cela a permis aux différentes religions mais aussi aux athées, de coexister à part égale sur l’ensemble du territoire – avec d’ailleurs initialement des critiques très lourdes qui étaient surtout dirigées contre le catholicisme.
Pour autant, si on peut insulter les religions, il est important de rappeler qu’en revanche il est absolument interdit d’insulter les croyants et d’inciter à la haine contre tout groupe ou personne déterminés.
C’est pourquoi dans cette affaire, il n’y a rien a reprocher à Mila.
En revanche, ceux qui s’en sont pris à elle devront répondre des faits de harcèlement en ligne.
Il s’agit également, au travers de ce procès, celui de la haine en ligne, avec l’appui de nouveaux outils mis à disposition de la justice. Une haine massive et collective qui peut parfois sembler impossible à endiguer.
L’intention de ce procès est donc peut-être aussi de démontrer que ces armes existent afin de raviver l’espoir des victimes.
Ces armes passent d’abord par la plateforme Pharos, dont nous ne pouvons qu’encourager l’utilisation massive afin d’accroître son efficacité. Celle-ci permet de dénoncer le harcèlement ainsi que la haine en ligne.
Son action a été renforcée par les nouvelles lois prises au cours de ces dernières années contre le harcèlement en ligne, notamment en permettant de poursuivre les personnes ayant exprimé la haine ou des menaces, au sein d’une vague de messages, sans pour autant s’être concerté avec les autres.
Ainsi, tout individu, participant à une action collective visant à insulter ou à inciter à la haine envers autrui, est considéré comme coupable a part entière pour le harcèlement qui en a résulté.
Mais l’affaire Mila c’est aussi la première affaire médiatisée pour laquelle est intervenu le pôle spécialisé du parquet national contre la haine en ligne, mis en place au début de l’année 2020.
Un pôle constitué d’une équipe de 6 magistrats et d’une équipe d’assistants ayant pour but de réunir les preuves, de traiter plus efficacement ce genre d’affaires, et de déterminer les dossiers et les personnes pour lesquels des poursuites peuvent et doivent être engagées.
C’est grâce à ce système que nous nous retrouvons avec treize prévenus dans l’affaire Mila pour une centaine de milliers de messages de violence au départ. Un tri de longue haleine a nécessairement été effectué afin d’identifier les propos les plus marquants et les auteurs les plus notables.
L’autre intérêt de ce procès c’est peut être aussi ce qui a été exprimé par Mila, indiquant le jour de l’audience qu’elle souhaitait que « la peur change de camp ».
Il est bon en effet de pouvoir montrer qu’il n’est plus possible de dissimuler sa responsabilité derrière l’anonymat d’un écran d’ordinateur ou d’un compte Twitter.
Dès lors qu’un message de haine est publié sur les réseaux sociaux, on saura qu’on pourra identifier les auteurs, les retrouver et les poursuivre.
Et quelque part, il est intéressant que cette affaire soit dirigée contre des personnes ayant incité à la haine contre une personne qui critiquait l’islam.
Parce que cela permettra de manière peut être plus simple à la répression de s’exercer pleinement en l’espèce et de fixer un précédent.
Un précédent qui ensuite pourra aussi être utilisé dans les cas inverses où il y a au contraire incitation à la haine contre les Musulmans.
Et il est certain que ce genre de cas ne manqueront pas non plus.