Les billets d’humeur de Maître Philippe-Henry Honegger
Nous avons connu dernièrement une actualité particulièrement chargée en matière de racisme et de discrimination.
Est notamment paru un sondage relativement inquiétant, indiquant que 43% des français considèrent qu’il y a « trop » de maghrébins en France et que 69% reconnaissent qu’il existe un racisme à l’égard des musulmans.
Dans l’actualité également, une chaîne nationale d’information a été condamnée à une amende de 200 000 euros en raison des propos incitant à la haine raciale d’un de ses intervenants réguliers pourtant déjà condamné à plusieurs reprises pour ce genre de déclarations.
Ces deux événements pourraient justifier que l’on s’intéresse et s’inquiète, sous cet angle, à la question du racisme et de discriminations en France.
Pourtant, notre ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, a décidé d’électriser l’opinion publique en évoquant la semaine dernière une toute autre question.
En effet, il considère que le véritable problème du racisme est des discrimination en France est le fait que l’UNEF organise des réunions de groupes de paroles de victimes (soit de racisme, soit de sexisme), en « non-mixité » – c’est a dire en excluant de ces réunions ceux dont les participants s’estiment victimes.
Pour résumer, il existe donc des femmes victimes de sexisme ayant fait part à l’UNEF de leur souhait à pouvoir se réunir entre elles, ce afin de discuter de façon sécurisante de ces questions, et, sous le même mode, des victimes de racisme. Et L’Union Nationale des Etudiants de France a alors permis l’organisation d’une dizaine – peut être – de ces réunions.
Et parmi tous les problèmes de racisme et de discrimination en France c’est ce sujet, absolument anecdotique, que le ministre a donc décidé de pointer du doigt, affirmant que l’envie de ces victimes de se réunir pour échanger en non-mixité était le problème du racisme qui méritait d’emporter avec lui toute la tempête médiatique créée depuis plusieurs jours.
Il faut vraiment avoir envie d’occulter les vraies problème pour faire semblant que ces réunions en non mixité sont un réel problème.
Ces groupes de paroles ne sont rien d’autre, pour les victimes de sexisme ou de racisme, que l’équivalent des réunions organisées pour les « alcooliques anonymes » ou les victimes de viol, par exemple.
Et en les critiquant cela revient à affirmer que les réunions d’alcoolique anonymes devraient se faire avec les représentants de chez Pernod-Ricard ou que les réunions de femmes violées devraient se faire avec des violeurs…
Jean-Michel Blanquer ajoute même que non seulement nous devrions interdire ces rencontres, mais également saisir les moyens légaux afin que les organisateurs et participants soient punis pour cela.
Tout ceci, en prétextant que cela constituerait une « discrimination ».
Il est pourtant important de rappeler que s’il existe bien une infraction liée à la discrimination en France, elle ne concerne absolument pas ce genre de situations.
En effet, pour que des faits soient qualifiés de discrimination au sens pénal du terme, il doit exister certes une distinction ou une entrave. Mais il faut que celle-ci soit injustifiée et limitée à certains domaines seulement.
Une entrave à l’obtention d’un emploi par exemple, conduisant à un licenciement, ou encore vous empêchant d’accéder à un service ou à un service public.
Cependant, discriminer lorsque les intentions ou le domaine n’ont pas de visée négative, si cette dernière est justifiée, alors cela ne peut être considéré comme une discrimination au sens pénal du terme.
Pour exemple, si je souhaite faire un film dont le personnage principal a des origines africaines, il ne s’agit pas de discrimination si j’indique à un acteur blanc, blond aux yeux bleus se présentant à moi qu’il ne va pas correspondre au rôle.
Il en va de même si j’organise une conférence autour des femmes cheffes d’entreprise et qu’un homme salarié de la fonction publique me reproche de ne pas l’avoir invité à participer et de faire ainsi de la discrimination.
C’est pourtant exactement ce que l’on veut reprocher aux gens qui participent à ces réunions.
Ce que fait en réalité l’UNEF, c’est d’ailleurs ce qui existe déjà par ailleurs depuis très longtemps dans d’autres domaines. Je n’ai jamais entendu Jean-Michel Blanquer être outré qu’il existe depuis de nombreuses années des associations réunissant des victimes de la Shoah, des réunions de groupes de paroles excluant – il est vrai et « faut-il le regretter? » – les nazis de ces réunions.
Personne ne s’en est heureusement jamais offusqué.
Et puis si les personnes non-invitées aux réunions de l’UNEF souhaitent absolument pouvoir participer à des réunions sur le sexisme et le racisme, il leur est absolument loisible de contacter l’UNEF pour organiser d’autres réunions en mixité et d’y convier tous ceux qu’ils voudront. Il est certain que leur démarche sera accueillie très favorablement.
Toute démarche pour lutter contre le racisme et le sexisme est la bienvenue.
On ne peut donc que s’étonner que Jean Michel Banquer n’ait pas déjà organisé ce genre de réunions si le sujet lui tient tant à cœur et surtout qu’au sein de toute l’actualité, au travers de tout ce flot de racisme et de discrimination parcourant la France depuis de nombreux mois, notre ministre choisisse de s’appuyer sur cet événement pour s’exprimer.
Mais en réalité on ne s’en étonne même pas, on ne s’étonne plus : c’est sans doute cela le pire.