Les billets d’humeur de Maître Philippe-Henry Honegger
Éric Dupond-Moretti, Ministre de la justice et ancien avocat, a présenté le 14 avril dernier le projet de loi dont le but serait de restaurer « la confiance dans l’institution judiciaire ».
En effet, accusée d’être trop laxiste, de manquer de réactivité ou encore de ne pas être suffisamment transparente dans son fonctionnement, la justice n’inspire pas une confiance unanime au regards des citoyens français.
Procédures sans horizon concernant les divorces ou gardes d’enfants, ou bien encore, femmes victimes de violences peinant à comprendre les procédures à suivre pour porter plainte : de multiples mesures pourraient être mises en place.
Tout d’abord, nous pourrions prendre exemple sur nos voisins allemands en multipliant par deux le nombre de nos magistrats et ainsi réduire considérablement les délais des procédures. Nous pourrions créer un parquet ou des unités spéciales à destination des victimes de violences sexistes, répartir des guichets dédiés sur l’ensemble du territoire afin de faciliter l’accès et l’information. Nous pourrions également multiplier les occasions pour les citoyens d’accéder aux tribunaux, de prendre part à l’œuvre de justice afin de mieux réaliser le fonctionnement de celle-ci, mais surtout de reconnaître que cette dernière est tout sauf laxiste.
Pourtant, ces mesure ne font pas parties de celles proposées par notre ministre.
Pire que cela, celles retenues vont à l’encontre même des différents buts visés par la réforme : plutôt que de chercher à rapprocher le justiciable de la justice, a été décidé de limiter le nombre de jurés dans la cour d’assise, ou encore de diffuser en ligne des montages vidéos d’audiences (dont on aura choisi ce qui sera diffusé ou non). De plus pour montrer que la justice serait sévère, on a décidé de faire semblant de supprimer les remises de peines mais en réalité on confie simplement ces dernières a un juge d’application des peines qui pourra les accorder, ou non, à l’issue d’une procédure en huit clos, sans la personne concernée, ni même son avocat.
Ces mesures sont-elles véritablement crédibles pour redonner confiance en la justice de notre pays ?
Il faut quand même préciser que d’autres propositions restent intéressantes: faciliter l’accès aux dossiers en cours d’enquête, renforcer le secret professionnel des avocats ou encore accélérer certaines procédure de divorces en cas d’accord des parties. Mais cela reste tellement anecdotique.
Il n’en demeure pas moins le constat dramatique d’une profonde atteinte au cœur de la justice populaire de notre pays et de sa légitimité démocratique.
En effet, supprimer les jurés populaires ne revient-il pas à bouleverser la nature même de ce qu’est la justice criminelle en France ? Être jugé par ses pairs, être jugé par ses semblables, sans haine et sans crainte : voilà le plus important pour retrouver confiance en la justice.
Finalement, la réforme « pour la confiance dans l’institution judiciaire » se révèle être un véritable coup de poignard à l’encontre des avocats, des magistrats faisant « vent debout » contre cette disposition mais aussi et surtout : à l’encontre des citoyens eux-mêmes.
Il paraît difficile de comprendre comment les citoyens auront plus confiance en la justice alors même que cette réforme tend à les en écarter un peu plus encore…