Les billets d’humeur de Maître Philippe-Henry Honegger
La Défenseure des droits Claire Hédon a proposé l’expérimentation de zones en France sans contrôle d’identité.
Pourquoi ça n’a aucun sens énoncé ainsi ?
Et qu’est ce que ça pourrait vraiment dire dans le concret si on précisait les choses?
Ce qu’il faut savoir c’est qu’il existe deux cas (et seulement deux cas) dans lesquels un contrôle d’identité peut être légalement réalisé en France par les services de police.
Ces cas sont prévus par l’article 78-2 du code de procédure pénale.
La premier type de contrôle d’identité, dit « judiciaire » autorise les policiers a interpeller, contrôler l’identité et effectuer une palpation de sécurité sur toute personne à l’égard de laquelle existent une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle se prépare, a commis ou tenté de commettre une infraction – ou bien qu’elle pourrait être recherchée par la justice pour différents motifs.
Ce texte sert essentiellement à empêcher la commission immédiate d’infraction ou interpeller d’éventuels suspects.
De toute évidence, ce type de contrôle ne pourra pas être interdit. Il est essentiel au fonctionnement de la justice.
Il n’est certainement pas concerné par la demande du Défenseur des droits et ne pose d’ailleurs au un problème en soit.
Même s’il faut noter qu’un grand nombre des contrôles d’identité réalisés sont, de fait, effectués par les services de police sous couvert de cette disposition alors qu’en réalité il n’y a aucune raison de suspecter quoique ce soit.
C’est l’essentiel des contrôles qui sont réalisés et critiqués. Des contrôles hors de toute base légale dont il a été démontré qu’ils sont discriminatoires envers certaines populations.
Ce sont ces contrôles qu’on voudrait voir disparaître – alors même qu’ils ne devraient même pas exister.
Le moyen de lutter contre ces contrôles hors cadre, on le connait, ce sont les récépissés de contrôle d’identité, longtemps promis, jamais acceptés par la police car ils les empêcheraient de continuer cette pratique illégale.
Mais ce type de contrôle ne peut pas être concerné par la demande du Défenseur des droits car ces contrôles n’ont déjà aucune existence légale.
En revanche, le seul contrôle dont le défenseur des droits pourrait demander la suspension c’est le second type de contrôle dit « administratif ».
Ce contrôle peut uniquement être réalisé à l’initiative du procureur de la République pour rechercher des infractions définies à l’avance, dans un lieu déterminé (en générale quelques rues) et pour une période déterminée (en général quelques heures ou jours) alors que rien ne laisse suspecter qu’une infraction à été ou va être commise par la personne contrôlée.
Ce sont des contrôles ponctuels, supposés être aléatoires, qu’on peut parfois voir dans les gares ou dans certains quartiers.
Le problème c’est que ces contrôles n’ont en réalité rien d’aléatoire. Dans un rapport de 2017, le Défenseur des droits avait constaté qu’il ressort que 80% de ceux qui correspondent au profil de « jeune homme perçu comme noir ou arabe (…) ont une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés ».
Il y a donc des gens qui ne sont jamais contrôlés et d’autre qui à chaque fois qu’il passent Gare du Nord ou à Châtelet savent qu’ils perdront 20 minutes de leur temps (parfois plusieurs fois par semaines) car ils seront systématiquement ciblés et contrôlés – pour rien.
C’est ce type de contrôle qui pourrait temporairement être suspendu dans certaines zones afin de voir si le gain évident pour la population concernée n’aurait pas d’effet secondaire sur la commission d’infraction dans les zones concernées.
Cela n’empêcherait en rien d’interpeller les suspects et de prévenir la commission d’infractions constatées.
Cela permettrait juste de rendre à une population discriminée le même droit de libre circulation dont profitent la grande majorité de nos concitoyens qui n’ont jamais été bloqué dans le métro, subi l’humiliation d’être fouillé en public et traité comme un criminel alors qu’ils n’ont rien à se reprocher et sont déjà en retard au travail.
Surtout quand on sait que dans plus de 95% des cas ces contrôles ne servent strictement à rien, cela permettrait de réaffecter a des tâches plus utiles les services de police, habituellement mobilisés sur cela, et d’aider à une réconciliation souhaitable avec la population.
Une proposition qui expliquée et décryptée ne semble finalement pas si aberrante.