Actualité juridique pénale
Scène de la justice ordinaire face au Covid
Proximité, absence de masques, de gel… Laure Heinich, avocate au barreau de Paris, illustre ici l’exercice de la justice en temps de confinement. Et constate que l’institution « imperméable à la vie » fait « comme si rien ne se passait dans la société ».
Laure Heinich est avocate au barreau de Paris. Elle est administratrice de l’association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale (APCARS), chargée d’enseignement à Sciences-Po et responsable pédagogique de l’Ecole de Formation du Barreau de Paris (EFB).
L’audience de ce lundi 27 avril 2020 se déroule comme tous les jours de la vie d’avant au tribunal judiciaire de Paris, comme si le virus s’était arrêté aux portes du palais. Réserve faite que plusieurs avocats portent des masques qu’ils retirent pour parler, qu’ils remettent pour écouter l’audience puis qu’ils retirent pour plaider.
Je pensais que nous serions la seule affaire car elle mettait aux prises quatre prévenus avec autant d’avocats. Si on ajoute trois juges, un greffier et un huissier, cela faisait déjà beaucoup de monde dans cette petite salle du nouveau tribunal. Lundi 27 avril, nous ne sommes pas encore déconfinés que les juges nous confinent ensemble, six affaires appelées à la même heure, des avocats, des victimes, des prévenus libres, des détenus. Tout le monde est là, à attendre de passer. J’attendrai cinq heures avant de plaider. Comme dans la vie d’avant.
La greffière indique qu’elle n’a pas pu nous prévenir d’horaires de passage différents, même par mails, qu’elle ne le fait déjà pas d’habitude et que c’est encore plus compliqué en ce moment.
Juger sans masque, ni gel, ni distanciation sociale
Trois personnes comparaissent dans une même affaire, ils sont détenus provisoirement dans trois maisons d’arrêt différentes. Les voilà réunis dans le box, sur un banc à dix centimètres les uns des autres, sans masque. La même image que tous les jours de la vie d’avant mais celle-ci est insupportable.
D’ailleurs, la présidente a l’air désolé, elle n’est pas de ces présidents arrogants, elle comprend mais elle juge quand même. A croire que l’image n’est finalement pas si insupportable. Pas au point de s’opposer au système. Pas au point de faire autrement.
Date: 29 avril 2020
Titre: L’Obs
Auteur: Laure Heinich
Photo: Mathieu Menard / Hans Lucas via AFP
Catégorie: Actualité juridique pénale