Actualité juridique pénale
Un an aux côtés d’indics de la police judiciaire de Paris
Dans « Le Troisième indic », Alexandre Kauffmann s’intéresse à ceux qui donnent des tuyaux aux flics pour les aider à résoudre certaines affaires. Un monde bien loin du mythe que l’on s’en fait.
Mouchard, tonton, indic, balance… Autant de mots pour désigner celles et ceux qui renseignent les forces de police pour le bien de leurs enquêtes et participent à leur résolution. Dans l’imaginaire collectif, ces informateurs sont sources de fantasmes. Pourtant, la réalité est, semble-t-il, bien différente.
Pendant près d’un an, le grand reporter Alexandre Kauffmann a partagé le quotidien de deux indics de la police judiciaire de Paris. De cette aventure est né son dernier ouvrage, Le troisième indic, qui démystifie la vie de ces tuyauteurs professionnels. « Ce monde ne fonctionne pas du tout comme on l’imagine, toutes les idées que j’avais sur les indics avant cette immersion n’étaient plus valables quand elle s’est terminée », avoue-t-il attablé à une terrasse de café de Belleville, son quartier.
C’est son contact à la PJ qui lui présente de deux ses informateurs, Lakhdar et Ayoub. Le premier est un ancien proxénète consommant autant de cocaïne qu’il en vend. Le second est un cador de l’arnaque lorsqu’il ne fume pas de crack. « Ce sont des petits indics, c’est pour ça que j’ai pu les suivre, précise Kauffmann. Ils représentent 80 % des inscrits au Bureau central des sources. Les 20% sont liés à de grosses affaires et on ne peut pas les approcher. »
En lisant Le Troisième indic, on est loin de l’image véhiculée par la culture populaire, notamment dans les films où l’informateur fait des apparitions aussi furtives que décisives, sous une identité dissimulée et changeante. Dans le Paris des crapules, tout le monde sait qui sont Ayoub et Lakhdar. Des arnaqueurs professionnels, mais aussi des informateurs. Lorsqu’il accompagne les deux indics dans les bars miteux du nord de la capitale, personne n’ignore leurs deux activités.
« C’est un truc qui m’a fait halluciner, je pensais que les indics étaient super prudents avec leurs proies », affirme Kauffmann. Or ce n’est pas le cas. Ayoub ne cache rien de sa vie, donne sa vraie adresse, son vrai nom et son unique numéro de téléphone. Il fait même venir ses futures victimes à son domicile, à l’image de ce modou à qui il achète des galettes de crack pour mieux le moucharder. « La personne qu’il balance ne pourra jamais croire que c’est lui qui l’a balancée car elle sait qui il est. Et il est sûr de ne pas se faire choper dans la rue sous une autre identité qui pourrait lui attirer des problèmes. » Le seul mensonge tient au fait que les victimes ne se doutent à aucun moment qu’elles se feront balancer.
Date: 25 septembre 2019
Titre: Vice.com
Auteur: Louis Dabir
Photo: Félicien Delorme © Flammarion
Catégorie: Actualités juridique pénale